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L’Ukraine est devenue le centre de l’attention médiatique aux cours des dernières semaines. Alors qu’au début l’emphase était sur les manifestations nationalistes au cœur de Kiev, l’enjeu est rapidement devenue la Crimée. Avec des médias occidentaux pour le moins biaisés, il est difficile de se faire une idée de ce qui s’y passe vraiment. D’un côté il y aurait les manifestants ultranationalistes pourtant supportés par notre Ministre des affaires étrangères John Baird, de l’autre l’ogre russe incarné par Vladimir Poutine. Les rapports des médias sont souvent contradictoires et pour se faire une idée de ce qu’il s’y passe réellement, nous avons décidé d’interroger Yves Bataille, nationaliste engagé et correspondant pour plusieurs publications de notre mouvance, qui est lui présent en Europe de l’Est. Voici donc, ce qui se passe réellement en Ukraine.

Le Harfang - Monsieur Bataille, pourriez-vous en premier lieu vous présenter à nos lecteurs?

Yves Bataille - Militant nationaliste-révolutionnaire français installé en Serbie depuis le début de la guerre yougoslave, j'ai suivi de près les évènements du laboratoire yougoslave qui préfiguraient les guerres ultérieures. Guerre contre la Libye, guerre contre la Syrie et aujourd'hui guerre contre la Russie en Ukraine. Cette observation m'a permis de comprendre les mécanismes de la subversion atlantiste et les méthodes employées pour déstabiliser les Etats et renverser des régimes et des gouvernements considérés comme obstacles. Les cibles sont différentes mais les méthodes varient peu. Ces cibles ont toutes un point commun, elles gènent l'impérialisme global (anglo- saxon) dans sa volonté d'établir une hégémonie présentée comme la démocratie, le progrès et la modernité. En fait nous avons affaire à une entreprise totalitaire d'ensemble s'appuyant sur la haute finance, les mass médias et le conditionnement des esprits. Les états soumis à la dictature du globalisme n'ont plus la moindre parcelle d'indépendance et de souveraineté. C'est la cas de la France qui est devenue avec Sarközy et Hollande un pays occupé. C'est pour mener le combat de libération nationale et sociale de la France et du Continent européen tout entier, de la Francité aussi - et le Québec en fait partie - que je me suis installé en Serbie, un pays certes occupé lui-aussi mais qui dispose de ressources politiques et morales et se trouve lié à la Russie. Ce combat de libération nationale, sociale, continentale et francitaire se mène et se mènera avec elle. Si j'évoque souvent le Québec, c'est que je connais le pays pour y avoir séjourné, l'avoir parcouru « from coast to coast » et y avoir rencontré d'ardents Patriotes. J'estime que la France et le Québec se libéreront dans une synergie d'ensemble, conséquence d' efforts des Français libres et d'un bouleversement politique à venir.

H - Contrairement à la plupart des nationalistes européens, vous démontrez un intérêt et une excellente compréhension de la situation du Québec. Vous avez d'ailleurs écrit un article des plus intéressants dans la revue Rebellion. D'où vous vient cet intérêt pour le Canada-français?

YB - C'est l'écrivain et poète Jean Parvulesco qui m'a fait prendre conscience de l'importance du Québec en m'indiquant un livre à lire. C'était un roman d'espionnage de Claude Rank. L'autre influence déterminante fut celle de Philippe Rossillon, l'homme qui avait organisé l'Opération « Vive le Québec Libre ! » Une action organisée et non spontanée. Ancien fondateur du groupe néo-planiste Patrie et Progrès à la fin des évènements d'Algérie, Philippe Rossillon avait créé dans les années 1980 un Cercle Louis Riel et Les Amitiés Acadiennes. A la tête d'un réseau de hauts fonctionnaires et de militaires, Rossillon disposait d'une influence non négligeable. C'est donc lui qui devait organiser le voyage du Général de Gaulle au Québec et lui permettre de lancer son cri historique devant le peuple. Pour cela l'équipe de Rossillon avait démonté le micro placé dans une cour intérieure de l'Hôtel de Ville où se tenaient les notables et l'avait placé sur une fenêtre dominant la foule. Sans cette initiative il n'y aurait pas eu de Vive le Québec libre ! Rossillon était bien sûr fiché et suivi par la GRC, la Gendarmerie Royale Canadienne et Pierre- Elliot Trudeau devait le faire interdire de séjour pendant cinq ans au Canada. Il lui était reproché aussi d'avoir des activités « subversives" en Acadie et au Manitoba.

J'en viens à nos « nationalistes européens ». Beaucoup d'entre eux faisaient et font toujours l'impasse sur la France, passant de leur ethno-région à ce qu'ils croient être l'Europe pour rejoindre une conception politique allemande volkish qui ne peut pas être l'Europe puisque les nationalistes allemands ne reconnaisent pas autre chose que la Pangermanie ou l'Europe allemande. Ceux qui nous serinent avec un ethno-différencialisme et une Europe des ethnies idéalisés ne sont ni des nationalistes français ni des nationalistes européens, ce sont tout simplement et tout logiquement des nationalistes allemands, qu'ils le sachent ou qu'ils l'ignorent. Les seuls nationalistes européens que je connaisse sont ceux dans la lignée de Jean Thiriart et de son communautarisme national-européen. Les deux Jean, Jean Thiriart et Jean Parvulesco ont eu une certaine influence sur Alexandre Douguine qui a intégré à sa conception néo-eurasiste des éléments conceptuels russo-soviétiques. Par ricochet Douguine a eu une influence bénéfique sur la Nouvelle Droite de France (Alain de Benoist) qui a subi une certaine évolution, passant d'une position héritée des groupes des années 1960 (Fédération des Etudiant Nationalistes, Europe Action et dérivés) à une grille de lecture des évènements du monde plus « géopolitique ». L'interrelation dynamique a aussi fonctionné en Italie où Thiriart avait le plus fort groupe (Jeune Europe) en Europe. Là sous l'influence de Claudio Mutti, ancien responsable du Mouvement Giovane Europa, devait se développer un véritable courant national-révolutionnaire de ligne géopolitque qui devait donner naissance à Lotta di Popolo/Lutte du Peuple de Ugo Gaudenzi à partir du groupe gaulliste italien de l'ancien partisan Pacciardi (Nuova Repubblica) et de la suite de Giovane Europa (Avangardia di Popolo, Universita Europea, Movimento Studentesco Operaio d'Avangardia etc). Le groupe de Mutti publie aujourd'hui la revue Eurasia et appartient au réseau eurasiste italien lié à Douguine. On ne doit pas s'étonner que ceux qui se réclament d'un nationalisme européen et évacuent la France se préoccupent peu du Québec et de la Francité. Dans les années 1980 je publiais à Paris une Lettre de la Francité sur la question des communautés ethniques de langue française (Wallonie, Jura, Romandie, Val d'Aôste, Québec, Acadie, Louiasiane etc). Je dois dire que l'intérêt pour la question de la Francité y était limité pour ne pas dire nul dans ce milieux (hormis dans le groupe Thiriart). J'ajoute que le groupe Thiriart n'a jamais pu s'implanter en Allemagne où dominait la vision volkish. Toutefois la vision jacobine européenne du groupe Thiriart pose problème dans la mesure où ignorant les réalités nationales, elle se limite à une conception géométrique et constructiviste de la « Nation Europe ». Le réalisme géopolitique et géohistorique conduit plutôt à un Bloc Continental composé d'Etats-nations dont le nombre pourra (devra) être réduit mais qui représentant les grandes composantes du Continent pourront faire une synergie avec la Russie. Enfin par aversion pour une idéologie maurassienne que la plupart d'entre eux méconnaissent, ce « Secteur Droit » a mélangé et mélange les écrits nostalgiques et romantiques d'auteurs de l'après guerre avec des formules héritées de l'anticommunisme du temps de la décolonisation et des avatars des groupes nationalistes sans doctrine de l'après gaullisme. Une bouillie propice aux dérives qui ont conduit les plus sots à soutenir les nationalistes croates pro-allemands et anti-serbes des années 1990 et qui soutiennent aujourd'hui les nationalistes ukrainiens pro-allemands (croient-ils...) et anti-russes, en fait surtout cette fraction de Galiciens prise en main par le nouveau Gladio et qui fait le jeu de l'OTAN. Enfin nos nationalistes français ou européens n'ont pas compris quel gisement national- révolutionnaire qu'ils ont sous les pieds avec l'usage intelligent que l'on peut faire de la doctrine gaullienne dans une perpective de multipolarité et de non alignement. Enfin les nationalistes « français ou européens ignorent tout la richesse des écrits de « Gaullistes de Gauche» (comme Philippe de Saint Robert, René Capitant, Pierre Rossi, Paul-Marie de La Gorce, Christain Perroux...).

H - Les manifestants/émeutiers sont présentés dans les médias occidentaux comme des libéraux, des nationalistes et des pro- européens, des termes qui semblent contradictoires. Qui sont réellement ces émeutiers et quelles sont leurs revendications, si revendications il y a ?

YB - Il y a ou plutôt il y avait les trois. Plus des gens qui suivaient le mouvement comme toujours. Mais après le putsch du 23 février nous sommes dans une période post Euro-Maidan. Cette opposition violente au pouvoir du président légal Yanoukovitch, un pouvoir sorti des urnes, était hétérogène et ce qui l'unissait était sans doute la russophobie. On nous a dit que c'était une révolte contre les oligarques qui entouraient Yanboukovitch sans indiquer qu'une partie des oligarques ukrainiens se trouvaient dans l'opposition. Les derniers oligarques qui entouraient Yanoukovitch l'ont abandonné après l'accord avec la Russie et ont soutenu les manifestants. La propagande présentant le président légal comme un dictateur était ridicule. Si Yanoukovitch avait été un dictateur, la place de Kiev aurait été nettoyée en une demi-journée. Au lieu de ça, il a dangereusement maintenu pendant des semaines ses gendarmes Berkut dans une incroyable posture défensive. Ianoukovitch craignait d'employer la force et que cela lui soit reproché et il est arrivé ce qui devait arriver, il a été renversé. Mais les Russes l'ont exfiltré. L'hétérogénéité d'Euromaidan s'est tout de suite vue à la présence des trois leaders courtisés par l'étranger et surtout de deux d'entre eux, le boxeur Vitali Klischko, membre de l'internationale chrétienne démocrate CDU d'Angela Merkel et Arseni Yatseniouk, proche de Youlia Timoshenko et soutenu par le Département d'Etat américain. Nommé premier ministre par le putsch, Yatseniouk est un ancien employé de Goldman Sachs. Le troisième homme Oleh Tyahnybok, du parti Svoboda, apparaissait constamment avec les deux autres bien que n'ayant pas les mêmes soutiens. Ses troupes issues du Parti national-socialiste ukrainien ont servi de service d'ordre aux manifestations. C'est un membre de Svoboda qui a été chargé de former la Garde Nationale destinée à conquérir l'Est. Svoboda a reconnu des liens avec des Israéliens (voir la note « Nouveau Gladio pour l'Ukraine »).

H - Comment cette crise a-t-elle pris naissance et est-elle aussi importante que les images qui circulent le laissent paraître?

YB - La crise était latente dans la mesure où les activités du Bloc Américano-Occidental n'ont pas cessé depuis la fin de l'Union Soviétique. Les Etats-Unis, la Grande Bretagne et l'Allemagne ont implanté des dizaines d'organisations non gouvernementales (ONG), payé une ribambelle de journaux et de sites Internet, financé des partis politiques. L'Ukraine a été vue comme un moyen d'enfoncer un coin dans l'étranger prôche de la Russie, comme un tremplin, une base d'attaque (la Biélorussie aussi était visée). On se souvient des élections contestées et refaites pour faire gagner le candidat pro-occidental, de la Révolution Orange, de ces volontaires ukrainiens envoyés combattre les Russes avec les Tchétchènes. Parmi eux des « nationalistes » du groupe UNA- UNSO, que l'on retrouve aujourd'hui dans la comédie du néo- nazisme ukrainien. Pour avoir une idée du contexte passé on peut se reporter à l'un de mes articles sur l'Ukraine, qui date déjà de dix ans. Tous les éléments de ce que l'on appelle aujourd'hui la crise y sont contenus : L'Ukraine sur le Grand Echiquierhttp://www.evrazia.org/modules.php?name=News&file=article&sid=2104 La « crise » a pris un tour nouveau quand à la fin de l'année dernière le président en titre, issu du suffrage universel et présenté abusivement comme le candidat des Russes, a décidé de se tourner vers Moscou plutôt que vers Bruxelles. Ceux qui pensaient prendre progressivement le pouvoir avec leurs Ong, leur appareillage politico-médiatique et leur mise de fonds en ont été pour leurs frais. La Russie de Poutine offrait des crédits et des garanties supérieurs. L'ordre a été alors donné par la « communauté internationale » de casser la barraque. Washington a immédiatement alloué 5 milliards de dollars à l'« opposition » pour stimuler la révolte. Le nouveau Gladio de l'OTAN est entré en action. Les oligarques, dont ceux qui jouaient le double jeu avec Yanoukovitch, se sont immédiatement ligués contre ce dernier. Les oligarques d'Ukraine n'ont pas soutenu la « révolution » , ils y ont participé. Que ce soit Victor Pinchuk, Igor Kolomoïsky, le fondateur du Parlement Juif Européen ou Vadim Rabinovitch. Ont accompagné le putsch « nazi » l'oligarque Igor Kolomoïsky, propriétaire de la Privat Bank et Petro Poroshenko, le « Roi du chocolat » (chocolaterie Roshen), l'une des plus grandes fortunes d'Ukraine. Il possède aussi une chaine de télévision (Canal 5), des chantiers de construction navale, des usines de montage d'automobiles et d'autobus etc... A la suite d'ennuis avec la justice, l'oligarque Vadim Rabinovich, co-fondateur du Parlement Juif Européen avec Kolomoïsky a obtenu comme ce dernier la nationalité israélienne. Rabinovitch est l'un des financiers des Femen. Aux côtés des nazis de Maidan ces oligarques juifs ont joué un rôle central dans les émeutes et le putsch de Kiev. Par leurs relais médiatiques (ils possèdent tous de grands médias) ces individus ont fait de la scène de théâtre d'Euromaidan une caisse de résonnance mondiale qui a tenu la même fonction que la place Tahir au Caire.

H - Serait-il faux de faire un parallèle entre cette crise et les « Révolutions de couleur » ou même le « Printemps arabe » ?

YB - Le coup de Kiev est la suite de la Révolution orange. Il a un rapport avec le Printemps arabe dans la mesure où ces opérations n'ont rien eu de spontané mais ont été conçues, préparées et mises en pratique dans le cadre d'une volonté de remodèlement de l'anneau périphérique élargi de l'Eurasie, qui passe par l'Europe orientale, la méditerranée orientale, le Proche Orient, la Mer Noire et le Caucase. Il y a un lien entre la guerre yougoslave, l'agression contre la Libye et la Syrie et les ravalements de façade islamistes en Tunisie et en Egypte. En Egypte, les Etats-Unis ont utilisé le Mouvement du 6 Avril, un succédané du groupe serbe de la CIA Otpor (devenu Canvas) ont essayé de placer leur agent El-Baradei au pouvoir ou près du pouvoir mais ils ont perdu. L'Armée égyptienne qu'ils croyaient contrôler leur a échappé. Comme Nasser naguère, son commandant en chef devenu le nouveau Raïs du Nil, le Général al-Sissi s'est tourné vers Moscou. En Tunisie, l'installation des Frères Musulmans dans un pays francophone à fortes tendances laïques ne durera pas. En Libye c'est le chaos avec un retour des forces (néo)khadafistes dans le pays, en particulier le Fezzan. En Syrie l'assaut a été jusqu'à présent endigué et l'armature baa'thiste de Bachar el- Assad tient bon. Grâce à la structure du pouvoir mais aussi à la Russie et à l'Iran. En Serbie, le pouvoir titulaire pro-américain n'a qu'un consentement passif de masses soumises à un régime semi-dictatorial mais comme le disait il n'y a pas longtemps un responsable états-unien, pour Washington « deux pays ne sont pas sûrs dans la région, la Serbie et l'Ukraine » (...). Tout cela pour dire qu'il y a un fossé entre les tentatives des Etats-Unis (et de leurs alliés plus ou moins contraints) et les réalisations.

H - Dans la même lignée, plusieurs forces occidentales agissaient plus ou moins ouvertement lors du Printemps arabe. Aujourd'hui en Ukraine, y a-t-il des forces étrangères qui s'impliquent d'une façon ou d'une autre dans cette crise?

YB - Il faut relire The Grand Chessboard, Le Grand Echiquier de Zbigniew Brzezinski. La Conquête de l'Est et le plan de destruction de la Russie y sont clairement expliqués. Ce livre date de 1997. Brzezinski y explique sans ambage que pour assurer l'hégémonie des Etats-Unis sur l'Europe et le reste du monde (le livre est sous-titré L'Amérique et le reste du monde) il faut neutraliser la France, empêche une union de nations européenne susceptible de ruiner l'influence des Etats- Unis et tranformer quatre pays en madrier des Etats-Unis contre la Russie. Ces quatre pays sont la France, l'Allemagne, la Pologne et l'Ukraine... Le Plan PAUCI de la Polish- Ukrainian Cooperation Foundation correspond à ce que nous avons vu faire en Ukraine. Brzezinski évoque aussi dans ce livre la nécessité de balkaniser l'Eurasie et utilise d'ailleurs explicitement les termes de « Balkans d'Eurasie » pour désigner ce que les Etats-Unis doivent faire en Asie Centrale. Il s'agissait ni plus ni moins de détacher complètement de la Russie les Etats anciennements soviétiques. Ce plan a échoué en Arménie et en Kirghizie et a été plus ou moins neutralisé ailleurs. En Asie centrale, l'idée était de faire comme en Afghanistan, de monter les musulmans contre les Russes, contre les Slaves et contre les orthodoxes , avec une pénétration économique états-unienne, un détournement des richesses du sous-sol et la corruption généralisée des dirigeants comme ils font dans les pays cibles. A Euro-Maidan, les minorités ethniques du Caucase hostiles aux russes avaient été mobilisées. Fatima Tlisova, une circassienne de NED National Endowment for Democracy et de Voice of America ainsi que le kabarde Ibrahim Krganov/Yagonov ont été vus avec Mikhail Saakashvili, le célèbre bouffeur de cravates géorgien enragé. Comme l'Allemagne hitlérienne naguère ou jadis, Tatars de Crimée, géorgiens, circassien ou tchétechènes hostiles, les Etats-Unis instrumentalisent systématiquement les groupes ethniques de la périphérie russe et hostiles à Moscou, alimentant ONG et Fondations ad hoc. Dans ce jeu la Jamestown Foundation joue depuis des années un rôle central.

H - Pour rester informé de façon objective, quelles sources d'informations conseilleriez-vous à nos lecteurs?

YB - Il faut se faire sa propre revue de presse. On comparera ce qui est dit dans les journaux du système avec les informations glanées dans des sites alternatifs. Ils sont nombreux et on sélectionnera les plus sérieux et les mieux fournis. Il faut regarder la télévision russe Russia Today. Il existe une version en espagnol et en arabe et elle est en anglais mais les informations données sont de qualité et échappent au filtre américano-occidental. Il faut espérer qu'une version en français sera faite bientôt. Elle peut être directement captée sur Internet, sa diffusion est permanente et il n'y a pas de publicité toutes les trois minutes comme sur CNN. Télévision politique riche en reportages en direct et en dossiers bien construits, avec des présentateurs/trices de et des journalistes de qualité, Russia Today est la télévision de Poutine.

H - Quelles perspectives pour l'Ukraine ?

YB - L'Ukraine n'existe plus. La péninsule de Crimée est définitivement inclue dans la Fédération de Russie. Le tronc ukrainien va se scinder en deux voire en trois ou quatre morceaux. En cette fin mars la diplomatie russe propose la solution d'une Fédération un peu comme en Bosnie et Herzégovine avec la Fédération Croato-Musulmane et la Republika Srpska mais les putschistes vont refuser cette solution de transition. Une guerre larvée va s'en suivre, pour essayer de contrôler le plus de villes, le plus de territoires. Un coup de force ou un massacre de populations de l'Est pourrait légitimer une intervention militaire russe. Mais que les fantoches de Kiev le veuillent ou non, il y aura une ex- Ukraine que certains appellent déjà Nouvelle Russie ou Petite Russie entre Kharkov, Dnipropetrovsk, Donestsk, Maroupol et Kherson. Peut-être ira-t-elle jusqu'à Odessa et au-delà pour faire la jonction avec le Pridniestrovie (la Transnistrie). Malgré les paroles, l'attitude hésitante du bloc BAO indique que ce dernier ne veut pas faire la guerre. Une guerre directe et de grande envergure. Le BAO va donc faire une guerre indirecte avec intense campagne médiatique et aide aux russophobes du Caucase et d'Asie Centrale. Des attentats par groupes interposés compenseront l'impossibilité américano- occidentale d'affronter directement la Russie. On parle de sanctions économiques mais elles sont à double tranchant. Certains pays comme l'Allemagne et les Etats-Unis ont trop à y perdre. L'Allemagne a des centaines de sociétés en Russie et est tributaire du gaz russe pour son industrie. (Une bonne partie de l'Europe l'est). La Russie a menacé de ne pas rembourser les crédits américains qu'elle a contractés. La France pourrait rompre le contrat de vente des Mistral mais elle y perdrait.

L'équipe ahurie de Hollande risque néanmoins d'agir contre les intérêts français comme on l'a vu en Syrie avec le désir fou d'agresser ce pays partiellement francophone et comme on l'a vu en Iran avec le sabordage de Peugeot et des sociétés françaises. Depuis décembre l'Ukraine était virtuellement en faillite, elle est aujourd'hui complètement à cours de liquidités. Ses distributeurs de billets (Bankomat), ne fonctionnent plus et les produits de première nécessité commencent à manquer. Le putsch a agravé le problème. L'Est riche en minerais et en industries va pouvoir s'en tirer avec l'aide russe. Il est possible que le président Yanukovitch réfugié en Russie resurgisse dans le Donbass et soit mis à la tête de l'entité de Nouvelle Russie protégée par Moscou. A l'est et au sud, les putschistes ont nommé des gouverneurs qui ne gouvernent rien. Les Russes ne peuvent laisser les usines de Kharkov et de Donetsk aux mains de leurs ennemis. Une partie de l'industrie d'armements russe se trouve dans cette région. De même la possession de la Crimée devrait permettre d'écarter de la prospection des hydrocarbures dans la mer Noire les compagnies pétrolières états-uniennes. Mais pour cela il serait bien de contrôler le port d'Odessa. Sur le plan géostratégique, sans parler du bouclier anti-missiles soi disant hier destiné à l'Iran, une installation de l'OTAN en Ukraine est inacceptable pour la Russie. De même en Moldavie et en Géorgie. La Russie a le moyen d'empêcher l'OTAN d'annexer la Géorgie, c'est le Pridniestrovie... L' échec du BAO va renforcer la Russie et la fixer dans l'espace de l'Eurasie. La suspension de la Russie du G8 et la suppression des visas pour quelques responsables russes sont un coup d'épée dans l'eau. Tout ce qui va dans le sens du continentalisme et de l'autarcie est une bonne chose non seulement pour la Russie mais encore pour l'Europe réelle qui n'est pas représentée par la concession de Bruxelles mais par des mouvements nationalistes et populistes qui vont se rejoindre par affinités et dont l'action est à coordonner. L'isolement de la Russie va être son renforcement car les échanges avec l'Occident ont jusqu'à présent surtout profité à l'Occident. La Russie d'aujourd'hui n'est plus celle de 1999 quand 19 pays derrière les États-Unis bombardaient la Serbie. Le retour de la Russie sur la scène internationale devra être accompagné par la mise sur pied opérationnelle d'un nouveau Komintern ou peut-être Natintern chargé de guider idéologiquement, d'impulser et de conduire les luttes nationales, sociales et (trans)continentales contre l'impérialisme politico- militaire et financier états-unien, l'anglosphère culturelle et la gouvernance globale. Contre leurs institutions comme le FMI, la Banque Mondiale, le Tribunal de La Haye et leur gendarmerie planétaire, l'OTAN et ses dérivés. ◊

NOTES ET COMMENTAIRES D’YVES BATAILLE

1) Troisième Voie = Voie de garage pour l’Europe et boulevard atlantiste vers l’Eurasie. La France et la Russie étant les cibles de ce délire... La situation en Ukraine a excité les quelques croates abouchés à la faction germanomaniaque de l’extrême droite française..., qui se repassent avec délice le film de la destruction de la Yougoslavie et s’identifient aux radicaux de Galicie qui se prennent aussi pour des allemands (nazis) et font la guerre aux Russes comme ces croates qui se croyaient hier allemands (« Danke Deutschland ! ») faisaient la guerre aux Serbes au nom d’idées suprémacistes et autres sottises métapolitiques. Avec l’aide de mercenaires professionnels anglo-saxons des Sociétés Militaires Privées (SMP) qui précèdent ou accompagnent toujours les guerres de l’oncle $am et de la reine d’Angleterre, ces détraqués forment aujourd’hui en Ukraine la garde nationale de l’Otan comme les barbus islamiques de Benghazi et de Syrie formaient hier et forment encore aujourd’hui le cheval de Troie des mêmes contre l’indépendance nationale et la souveraineté de leur pays. Ces propos d’un croate dans un site français devraient faire réfléchir les Français car dans sa projection de l’avenir centre-européen qui redessine une Grande Allemagne et un Empire Austro-Hongrois il n’y a aucune place pour la France : « Ainsi la crise ukrainienne peut être l’occasion ou jamais de réfléchir et de peut-être redéfinir les axes géopolitiques d’une Eurasie triarchique reposant sur la triplice géopolitique carolingienne- occidentale/catholique autro-hongroise et centre-européenne/slavo- orthodoxe eurasiatique » (...)

2) Mise au point sur l’Ukraine. On soutient ou on ne soutient pas mais on ne soutient pas à moitié ! Et on choisit clairement son camp ! Je lis quelque part sur un support français ça : « Et pour couronner le tout les Russes ne sont pas en reste. Ces derniers ont décidément bien du mal à rompre avec toute une série de vieux réflexes dès qu’il s’agit de leur « étranger proche », jouant une ingérence (stratégie de la tension ?) certes beaucoup plus fine et subtile que celle des Euroricains, mais qui n’en demeure pas moins tout à fait néfaste. Le Droit était largement de leur côté en août 2008 en Géorgie, c’est beaucoup plus discutable aujourd’hui. » (...) J’en ai marre de ces demi vérités, de ces demi positions, de ces demi amis. Dans l’affaire de l’Ukraine aujourd’hui comme dans celle de la Serbie/Yougoslavie hier, il n’y a pas de camp alternatif, de troisième position possible eu égard aux enjeux géopolitiques. La place de tous les Français et de tous les Européens lucides est d’être aujourd’hui du côté de la Russie en Ukraine comme il fallait être hier du côté de la Serbie en Yougoslavie. - « Les Russes ne sont pas en reste » ? Ils devraient se laisser encercler. Après la Géorgie, l’Azerbaidjan et les Pays Baltes, laisser les vipères lubriques se lover dans leur ventre ? Se laisser pisser dessus ? - « Ils [les Russes] ont décidemment du mal à rompre avec toute une série de réflexes » (...) Manifestement, ce ne sont pas les Russes qui ont du mal mais bien ces amis de la Russie qui lui font défaut quand on l’attaque et renouent avec le viel antisoviétisme/antirussisme de papa. - Le droit ne serait « pas du côté russe aujourd’hui en Ukraine » ? Mais de quel droit les « Euroricains » se permettent ils de juger et de s’opposer à la décision d’un président ukrainien élu normalement ? Bien sûr pas de réponse à cela. J’ai lu aussi quelque chose d’un auteur ayant visiblement subi dans le vocabulaire l’influence de l’ancienne Nouvelle Droite. Entre deux rasades de schnaps ethno-différentialisme et de critique bâclée de l’Eurasisme de Douguine, le précieux épistolier nous explique qu’il faut se garder d’appuyer la « brutalité russe » et le « messianisme orthodoxe ». C’est la version pédante des « Cocos à Moscou ! » des gamins d’Occident (l’ex- mouvement) et de leur suite. Des dizaines d’années de retard et la sottise de vouloir faire les guerres d’hier - les guerres des autres aussi - alors que la guerre d’aujourd’hui, notre guerre, nous indique la politique à suivre et la géographie à prendre en compte. De la part de Français, le tropisme anti-Russe est non seulement ridicule mais encore irrecevable. Je dis à ces compagnons de route de l’Alliance Atlantique : ce sera brutalité contre brutalité et messianisme contre messianisme. La France est sous occupation américaine, pas russe. Entre ce camp et nous autres c’est une guerre puisque l’on ne peut s’accorder et, à défaut de se comprendre, s’aimer, collaborer, vivre ensemble. Il n’y a plus ni Est ni Ouest, il y a le camp de la vraie liberté, de la libération nationale et sociale, de l’Unité Continentale et de la Francité. Et il y a celui de l’Empire USAïque. Il faut aujourd’hui choisir son camp. Les nostalgiques qui pensent refaire le Front de l’Est contre les « Rouges » sont en train de refaire le débarquement de Normandie pour les Verts. Verts commes les billets de banque US qui arrosent la dite opposition ukrainienne et Verts comme les amis de Cohn-Bendit.

3) Les liens israéliens de Svoboda : Nouveau Gladio pour l’Ukraine « Son peloton, déclare-t-il à la Jta, est aux ordres de Svoboda, autrement dit d’un parti qui derrière sa nouvelle façade conserve sa matrice néonazie. Pour tranquilliser justement les juifs ukrainiens qui se sentent menacés par les néonazis, Delta souligne que l’accusation d’antisémitisme à l’égard de Svoboda est une « connerie ». La présence en Ukraine de spécialistes militaires israéliens est confirmée par l’information, diffusée par la JTA et d’autres agences juives, que plusieurs blessés dans les affrontements avec la police à Kiev ont immédiatement été transportés dans des hôpitaux israéliens, évidemment pour empêcher que quelqu’un ne révélât d’autres vérités incommodes. Comme celle sur les gens qui ont entraîné et armé les snipers qui, avec les mêmes fusils de précision, ont tiré, place Maïdan, à la fois sur les manifestants et sur les policiers (presque tous touchés à la tête). Ces faits apportent une nouvelle lumière sur la façon dont a été préparé et mis en œuvre le coup d’État de Kiev. Sous direction des USA et de l’Otan, à travers la CIA et d’autres services secrets, ont été pendant des années recrutés, financés, entraînés et armés les militants néonazis qui à Kiev ont donné l’assaut aux palais gouvernementaux, et qui ont ensuite été institutionnalisés comme « Garde nationale » : http://www.voltairenet.org/article182785.html

4) Pour la documentation sur l’aspect énergétique (gaz, gazoducs, guerre des tuyaux)https://www.facebook.com/notes/francis-maginot/de-limportance-de-l- ukraine/521173048001987

5) Sur le plan PAUCI inspiré de Zbigniew Brzezinski : Pologne. Le Fabius polonais. Où il est indiqué que Radek Sikorski, le ministre polonais des affaires étrangères, est dirigé par la CIA et le MI6. En 1981 cet individu se réfugie en Grande Bretagne où l’Intelligence Service le fait monter en structure et où il obtient la nationalité britannique. Il y adhère au Bullington Club dont David Cameron est membre (un club interdit aux femmes). Puis la communauté du renseignement anglo- américain (UKUSA) le fait se marier à la journaliste américaine Anne Applebaum du Washington Post. Il devient membre du néocon American Enterprise Institute (AEI) de Washington, ‘executive director’ de New Atlantic Initiative... On sait que la Pologne, comme les Pays Baltes, est une plateforme d’agression impérialiste contre la Russie. Lié au plan PAUCI de la Polish-Ukrainian Cooperation Foundation, Sikorski a été chargé d’appliquer le plan Brzezinski d’attaque contre la Russie et de superviser la subversion américano-occidentale en Ukraine. http://www.rmf24. pl/tylko-w-rmf24/wiadomosci/news-piskorski-kontakty-z-cia-i-mi6- sikorski-amerykanskim-agentem,nId,1359861

6) Une mise en pespective de Jean-Michel Lemonnier :http://www.agoravox.fr/actualites/international/article/victoire-euro- atlantiste-en-148631

Pour la préservation de notre peuple,

F.Q.S.

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